Petit recadrage de contexte : je vis depuis douze ans
en Allemagne, pays très sympathique dont la réputation se retrouve malheureusement
quelque peu entachée par toutes sortes de clichés. Mais là n’est pas la
question. Mon CV n’étant pas la question non plus, je me contenterai pour
l’utilité de la compréhension de révéler que j’ai fait mes études à Cologne, avant de
glisser par hasard dans la vie professionnelle d’une très sympathique start-up,
aujourd’hui plus si start-up que ça depuis son rachat par un géant du média.
Mais passons…
Douze ans, mine de rien, ça laisse une petite marge pour
faire de nouvelles connaissances. J’ai appris à rester zen face à des erreurs
quotidiennes consistant à apposer un wie au lieu d’un als à un comparatif, ce qui
en contexte, nous donne d’exotibles (exotiques + horribles) tournures
comme : "Mein Bruder ist so viel größer wie ich !"
Je baille d’un air distrait lorsqu’une collègue prononce
avec obstination : "Ich habe es gehört gehabt". Pourquoi faire simple quand la
correction l’exige on peut faire compliqué ?
Je me délecte à chaque : "Es macht keinen Sinn", transposition
erronnée de It doesn’t make sense. Le germaniste attentif préfèrera : "Es
ergibt keinen Sinn" (au pire, un "Es hat keinen Sinn" fera l’affaire). Et enfin,
je me télétransporte dans des lieux où tout n’est que luxe, calme et volupté à
chaque apostrophe mal placée.
Je ne suis pas la seule.
Des blogueurs exaspérés ont formé un consortium haineux avec
pour mission d’éradiquer les emplois aberrants et abusifs de l’apostrophe dans
la langue de Goethe, comme par exemple, le sympathique Deppenapostroph,
qui apporte la preuve en images que l’abus d'apostrophe peut déclencher une
apostrophite aiguë.
Le plus grave à mon humble avis, c’est quand l’apostrophite
s’étend aux manuels scolaires.
En Français, ça pourrait donner quoi ? Les maths pour l’bac ?
(Et encore, si la construction ici est malheureuse, elle n’est pas fausse à
proprement parler). On ne répètera jamais assez la règle :
Dans un contexte lyrique, l’apostrophe est utilisée là où
certains signes doivent disparaître pour l’amour de la rime.
Ex : ew’ge Liebe pour ewige Liebe
Ou pour raccourcir une longue série de lettres, comme les
amateurs de football aiment à le faire (le fan de foot aime aller droit au but haha :
peu importe la ville, du moment qu’on ne perd pas le ballon des yeux, quand l’action
s’accélère, il n’a pas le temps de tweeter toutes les lettres)
Ex : K’lautern pour Kaiserslautern ; M’Gladbach
pour Mönchengladbach
Lorsque le pronom « es » est apposé à un mot, il
est courant et logique – mais pas obligé – de contracter par une apostrophe.
Ex : Würdest du’s mir sagen ?
L’apostrophe du génitif est un mythe. Contrairement à la
langue anglaise, on n’emploie pas d’apostrophe au génitif.
Ex : Sonjas Hund vs. Lucy’s dog.
Toute autre forme ici serait exaspérante fausse, à
moins que...
Exception : Les noms se terminant par un –s, -x,
-z (ergo une sifflante) ne permettent pas d’identifier le génitif dans
une phrase. On rajoutera donc une apostrophe en fin de nom pour montrer qu’un
génitif devrait suivre.
Klaus’ Hund
Marx’ Kapital
Exception : A moins qu’un doute ne subsiste sur
l’identité du sujet. Par exemple, dans une tournure comme celle-ci :
Andreas Hund, sans connaître la totalité du contexte, on est en droit de se
demander si l’on parle d’un Andreas ou d’une Andrea (voire un Andrea si le
prénom est d’origine italienne)
Solution : Andrea’s Hund pour ramener le chien à Andrea ; Andreas Hund pour le ramener à Andreas.
Et puis c’est tout! pas d’apostrophe au pluriel, ni à
l’impératif, ni parce qu’on trouve que ça fait ‘achement plus beau avec.
Cher lecteur,
Je te prie de m’excuser de cette légère digression et
reviens à mon sujet d’origine. Mais, si, tu te souviens! « Les
germanistes pointilleux se sont sûrement retrouvés moulte fois face à une faute
courante de langage : la différence entre anscheinend et scheinbar. »
Je n’ai en 12 ans rencontré que 2 (en lettres : DEUX)
autochtones qui l’emploient correctement. L’erreur n’est pas régionale, elle
est collective et se propage plus vite que l'E. coli dans paquet de viande hachée mal cuite.
Anscheinend = apparemment
Scheinbar = apparemment
Oui, mais non. Anscheinend tu utiliseras quand les choses que tu avances sont ce qu’elles semblent être.
Anscheinend ist mein Satz grammatikalisch korrekt. à Ma phrase semble grammaticalement juste.
Scheinbar, employer tu ne devras que si les choses que tu
avances semblent être ce qu’elles sont, mais qu’en réalité, ce n’est qu’une
apparence.
Scheinbar war mein Kauf ein Schnäppchen à J’ai acheté quelque
chose qui semblait être une bonne occasion (mais en fin de compte je me suis
fait rouler).
Il est vrai que dans la langue courante, « on » a
tendance à ne pas vraiment faire attention. Tu l’auras compris, cher
lecteur : « on » n’inclut pas l’auteur de ce post, dont les
poils se hérissent chaque fois que quelqu’un fait la faute devant elle.
Et
qu’on ne vienne pas me dire que ce n’est pas grave. Grave, ça l'est. Parce
que si un jour quelqu’un te fait remarquer que ton fond de culotte est en train
de cramer, tu seras bien content de gagner de précieuses secondes en saisissant
tout de suite que c’est vraiment le cas.
In girum imus nocte et consumimur igni
5 commentaires:
Merciiiii !
Ton billet vient de me rappeler un petit bouquin très drôle que j'ai lu il y a quelques années, tu connais ?
http://www.amazon.de/Dativ-ist-dem-Genitiv-sein/dp/3462034480
Oui je connais, j'ai bien apprécié aussi en dépit des commentaires productifs de certaines connaissances. Keuwaaaaa? Tu lis des livres de grammaire sans raison??? :)
Entre-temps, j'ai découvert http://www.amazon.de/Deutsch-für-Kenner-neue-Stilkunde/dp/3492244610/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1328261482&sr=1-1
Absolument fabuleux, je te le recommande chaudement
Je confirme, en Allemagne j'ai très souvent entendu les deux utilisés indifféremment.
Oh Merci pour ce billet, je n'avais jamais vraiment saisi la nuance. Ou alors dans le fond de mon inconscient!!
De rien ^^ Contente de pouvoir me rendre utile :)
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